Mécanique des milieux hétérogènes et homogénéisation
Dans ce thème nous nous intéressons au comportement des milieux hétérogènes avec pour principal objectif de caractériser le comportement macroscopique de ces milieux à une échelle (souvent l’échelle de l’ingénieur) où les hétérogénéités apparaissent comme petites. Les recherches sont principalement méthodologiques, dans une démarche visant à développer des théories les plus générales possibles pouvant s’appliquer à une large gamme de matériaux. L’enjeu est de développer des méthodes et des outils numériques performants qui permettent de tenir compte des caractéristiques géométriques des hétérogénéités, pour des comportements fortement non linéaires des constituants (par exemple élasto-visco-plasticité, grandes déformations) avec éventuellement des couplages multiphysiques (tels que thermomécaniques). Les domaines d’application concernent notamment les matériaux métalliques (par exemple dans le secteur du nucléaire dans le cadre notamment du laboratoire commun MISTRAL) et les milieux micro-architecturés (matériaux composites ou milieux à microstructures périodiques). Le projet lié à cette thématique se décline selon quatre axes décrits ci-après. L’approche méthodologique adoptée par l’équipe s’articule du développement de techniques pour le changement d’échelles et de leurs implémentations dans des codes de calculs (essentiellement ceux développés par l’équipe). Deux axes d’ouvertures sont également identifiés, à savoir l’utilisation des techniques d’apprentissage machine (IA) ainsi que le design contrôlé de milieux micro-architecturés.
Participants permanents : C. Bellis (CR), S. Bourgeois (MCF ECM), M. Garajeu (MCF AMU), N. Lahellec (PR AMU), H. Moulinec (IR CNRS)
Collaboration inter-équipe : B. Lombard (DR – équipe O&I)
Méthodes d’homogénéisation en champs moyens
Les approches micromécaniques (ou d’homogénéisation) en « champs moyens », reposant sur des descripteurs des états locaux en nombre limité mais suffisant, permettent de construire la réponse macroscopique des matériaux hétérogènes en prenant en compte les propriétés des phases constitutives et leur morphologie microstructurale. Intégrées à l’échelle du point d’intégration d’un calcul d’une structure, elles peuvent conduire à un gain en temps de calcul significatif par rapport aux méthodes de type « éléments finis au carré » dans lesquelles les interactions locales sont décrites par des calculs en « champs complets » extrêmement coûteux. L’application de ces méthodes aux comportements non linéaires passe par la définition, au travers d’une étape de linéarisation des équations constitutives des phases, d’un matériau linéaire de comparaison (MLC) dont les propriétés sont obtenues par des schémas performants d’homogénéisation linéaire. Dans le cas de comportements élasto-dissipatifs (qui couplent des phénomènes réversibles et des phénomènes irréversibles), ce MLC est linéaire visco-élastique.
L’objectif de cet axe est de faire progresser ces méthodes selon trois directions :
- i) Développement d’une méthode de linéarisation pour des comportements fragiles (endommagement) en utilisant des principes variationnels incrémentaux, développés au laboratoire, prenant en compte les statistiques des champs mécaniques (premier et second moments) présents dans le composite.
- ii) Développement d’une méthode pour la résolution du MLC linéaire visco-élastique pour cumuler les avantages des méthodes directes basées sur le principe de correspondance (simplicité de mise en œuvre et précision de la réponse effective) et des méthodes variationnelles basées sur des approximations des champs microscopiques (estimation des statistiques des champs).
- iii) Développement d’une méthode permettant l’évolution possible de la géométrie des phases définissant le MLC pour prendre en compte la présence de champs localisés que l’on trouve lorsque le comportement est fortement non linéaire (endommagement par exemple).
Méthodes d’homogénéisation en champs complets (homogénéisation computationnelle)
Notre deuxième axe d’étude porte sur des aspects numériques et des problématiques de calcul scientifique en lien avec les méthodes d’homogénéisation précédemment décrites. Nous nous intéressons, d’une part, à des questions d’analyse numérique des algorithmes avec pour objectif la caractérisation des performances en termes de rapidité (vitesse de convergence) et de précision (via le développement d'estimateurs d'erreur a posteriori pour les problèmes non linéaires). D’autre part, nous visons à améliorer les performances de ces méthodes numériques via le développement d'algorithmes d'optimisation rapides (dans le cadre d’approches variationnelles) ainsi que d'outils de calcul adaptatifs dédiés aux approches FFT. Celles-ci sont en effet au cœur des techniques développées au laboratoire dans ce domaine et nous en poursuivons le développement. Enfin, ces problématiques liées au calcul en champs complets sur des microstructures périodiques se doublent de questions sur la génération numérique de microstructures. Les projets associés concernent à la fois des développements théoriques (pour donner suite aux travaux menés sur la génération de tessellations de Voronoi) et des développements logiciels dans le cadre du logiciel CraFT. Les sujets précédents concernent essentiellement le comportement statique de matériaux hétérogènes, mais nous nous intéressons également aux techniques d’homogénéisation en dynamique. Suite à des travaux préliminaires sur le sujet, notamment en collaboration avec l’équipe Ondes & Imagerie, nous étudions des problèmes de propagation d’ondes dans des milieux hétérogènes non linéaires, notamment au comportement plastique (théorie en déformation puis théorie incrémentale), afin d’en caractériser le comportement macroscopique. Nous souhaitons également poursuivre les études des propriétés dynamiques effectives de milieux contenant des interfaces non linéaires, pour lesquels le passage 2D et 3D pose de nouveaux défis théoriques et numériques.
Réduction de modèle et apprentissage automatique
Un premier axe exploratoire porte sur les méthodes de réduction de modèles pour le changement d'échelles. Nous nous intéresserons d’abord aux méthodes d’analyse en composantes principales pour les problèmes linéaires, i.e. calculs théoriques et numériques des modes propres des opérateurs div(A grad) pour les problèmes élastiques périodiques. L’objectif est surtout l’utilisation des approches par réduction de modèles pour les problèmes non linéaires. Notons que ces approches s’inscrivent dans la lignée de méthodes historiquement développées dans l’équipe, telles que la méthode NTFA. Sur le long terme, nous souhaitons investir les méthodes d'intelligence artificielle pour les appliquer aux problématiques de la micromécanique. Notre objectif est d’évaluer à la fois la capacité des méthodes d’apprentissage profond à identifier les paramètres morphologiques de la microstructure qui pilotent les propriétés effectives, par exemple sur la base de résultats de simulations générées à l’aide du logiciel CraFT sur des microstructures synthétiques, et également la possibilité d’obtenir des relations de comportement réduites par apprentissage pour des problèmes fortement non linéaires.
Design de milieux micro-architecturés
Enfin, un deuxième axe exploratoire se dégage de nos activités et porte sur des problématiques de génération contrôlée de microstructures. Dans le contexte de l’homogénéisation dynamique, un premier projet est de systématiser la génération de matériaux hétérogènes par optimisation topologique. Pour ce faire, il nous faut développer à la fois des algorithmes performants et des outils numériques permettant une mise en œuvre pratique. Un exemple d’intérêt sur lequel nous allons travailler est le design de couches minces microstructurées, problématique pour laquelle nous possédons déjà une expertise, avec pour objectif d’atteindre des propriétés dynamiques effectives cibles. Un deuxième projet concerne l’optimisation de structures micro-architecturées bistables. Dans la continuité des travaux sur les mètres rubans, nous nous intéresserons au design de structures micro-architecturées bistables dans l’objectif d’atteindre des configurations géométriques cibles pour les configurations stables. Pour conclure, notons que ces problématiques rejoignent l’axe précédent puisque nous conjecturons que le design de structures fonctionnelles, via la détermination de leurs propriétés microscopiques locales, pourrait se faire via l’utilisation de techniques d’apprentissage automatique (IA) sur des microstructures en lien avec les méthodes de changement d’échelles.