Acoustique en environnement marin et imagerie sismique

Les recherches menées dans cette thématique sont marquées par une double culture acoustique/géophysique. Elles visent à lever les verrous scientifiques actuels et futurs dans le domaine de l’environnement (Océans et Terre) en s’appuyant sur du calcul haute-performance avec le code SPECFEM, que nous développons, ainsi que sur des données réelles. Elles s’attachent d’une part, à comprendre finement et à modéliser de manière réaliste la propagation des ondes en environnements naturels, et d’autre part, à optimiser l’imagerie de ces environnements. Les domaines d’applications relèvent principalement de l’impact de la pollution sonore sous-marine d’origine anthropique sur l’écosystème marin et, dans une moindre mesure, de l’exploration sismique.

Participants permanents : P. Cristini (CR), E. Debieu (IE), N. Favretto-Cristini (DR), R. Guillermin (IR), V. Monteiller (IR), S. Rakotonarivo (MCF AMU)

Modélisation d'ondes sismo-acoustiques

L’objectif est de répondre aux enjeux actuels et futurs de prédiction de l’impact des activités anthropiques en environnement marin côtier en termes (i) de pollution sonore sous-marine, (ii) d’impact sur l’écosystème marin, et (iii) de géo-risques induits (en particulier, les risques sismiques à la côte), en ciblant plus particulièrement la neutralisation par contre-minage des engins explosifs (Projet européen MSCA Doctoral Network SEASOUNDS, 2024-27, https://seasounds-dn.cnrs.fr/; Projet européen EuroHPC ChEESE-2P, 2023-26, https://cheese2.eu/) et les travaux d’implantation des éoliennes offshore, de type battage de pieu ou pile driving (Projet européen MSCA Doctoral Network BETTER, 2025-29).

Pour atteindre cet objectif, nous développons un outil de prédiction fiable, qui repose sur de la modélisation numérique 3D capable de reproduire avec exactitude la propagation des ondes basses fréquences (typiquement, quelques Hertz à quelques centaines de Hertz) au sein d’environnements petits fonds marins de grandes dimensions, en intégrant les phénomènes physiques sous-jacents de 1er ordre. Cette modélisation est pilotée par la physique des ondes, qui elle-même est conditionnée par les propriétés de l’environnement marin. Compte-tenu de la taille des zones marines généralement considérées, elle s’appuie également sur des ressources de calcul très importantes. Contrairement aux travaux publiés dans la littérature, nos modélisations rendent ainsi compte des échanges entre propagation acoustique dans la couche d’eau et propagation sismique dans le sous-sol (notamment au travers des ondes d’interface), et des vibrations du sous-sol induits par les activités anthropiques. Ceci est particulièrement important pour évaluer, par exemple, l’impact du bruit et des vibrations sur les espèces marines benthiques. Les modélisations développées permettent également de mieux comprendre et analyser les champs d’ondes enregistrés sur les OBS ou sismomètres de fond de mer.

Ces travaux sont menés en collaboration avec divers laboratoires, institutions et entreprises français (e.g., Shom, ENSTA Bretagne, Cerema, Marée SAS, Quiet Oceans) et internationaux (e.g., UPC Espagne, NTNU Norvège, Aarhus Univ. Danemark, TU Delft Pays-Bas), dans le cadre de projets nationaux (RAPID DGA MAESTRIA) et européens (SEASOUNDS, ChEESE-2P, BETTER).

Modélisation numérique 3D HPC de la propagation sismo-acoustique engendrée par une explosion sous-marine dans la Rade d'Hyères (France).

Développement de méthodologies adaptées aux simulations 2D/3D HPC Exascale

En parallèle des études visant à prendre en compte au mieux la physique de la propagation des ondes, nous travaillons, dans le cadre du projet européen ChEESE-2P, sur le portage et le design de workflows spécifiques adaptés aux futures machines exascales européennes. Une refonte du code SPECFEM est en cours pour faciliter ces aspects. Ces développements ont un impact majeur sur les capacités de modélisation et d’inversion du logiciel SPECFEM en permettant, par exemple, la mise en œuvre de simulations numériques 3D de la propagation des ondes sismo-acoustiques plus proches de la réalité des expériences en mer.

Inversion & Imagerie

L’imagerie acoustique par inversion de formes d’ondes vise à reconstruire certains paramètres physiques d’un milieu. Le principe consiste à minimiser l’écart entre des données et des enregistrements simulés numériquement. Pour cela on utilise des algorithmes d’optimisation numérique qui s’avèrent chers en termes de coût de calcul. Le recours au calcul intensif est alors nécessaire. L’évolution actuelle des capacités de calcul tendant vers l’exascale nous permet d’envisager d’utiliser des méthodes d’optimisation plus performantes (méthode de Newton), mais cela nécessite de développer des algorithmes et workflows plus complexes. Un des objectifs du projet européen ChEESE-2P est de mettre en œuvre de tels algorithmes avec le code SPECFEM3D et de démontrer la faisabilité d’un tel workflow sur les machines pre-exascaliques européennes. L’objectif ici est de prendre en compte les dérivées secondes dans l’algorithme d’optimisation et ensuite de réaliser une application en sismologie avec des données enregistrées par les réseaux sismologiques européens.

Alternativement, les méthodes basées sur des modèles « expérimentaux » (data-based modeling) sont développées pour caractériser l’environnement marin (colonne d’eau, sédiments marins) ou des objets sous-marins (mines, sous-marins) lorsque les informations a priori sur le milieu ne sont pas suffisantes et ne permettent pas l’utilisation d’un modèle numérique ou analytique pour l’inversion. Ce type d’approche nécessite l’utilisation de larges réseaux de capteurs.

Ainsi ces recherches mènent à des développements instrumentaux et expérimentaux pour la mise en œuvre de larges réseaux de capteurs en condition de laboratoire. Par ailleurs, afin de prédire la signature acoustique ou les paramètres du milieu inspecté en condition opérationnelle ou in situ, ces travaux se basent sur le développement de méthodes de traitement d’antenne innovantes à partir de mesures champ proche (par exemple, holographie acoustique) ou champ lointain (par exemple, filtrage adapté). L’utilisation de larges réseaux de capteurs s’avère être une tâche difficile en termes de mise en œuvre expérimentale, ainsi une tendance vise à l’utilisation de réseaux parcimonieux de capteurs pour caractériser l’environnement. Dans ce contexte, les travaux visent à développer des méthodes de caractérisation optimisant le ratio entre connaissances a priori partielles du milieu et mesures parcimonieuses du milieu. Une des approches étudiées porte sur la mise en œuvre des approches de deep learning basées sur la physique pour aborder ce problème.

Ces travaux font l’objet de plusieurs collaborations nationales (UTC, Naval Group, ENSTA Bretagne) et internationales (Scripps Inst. Oceanograophy USA, NRL USA).

Ces recherches voient également des applications en contrôle non destructif ou structural health monitoring. Les perspectives de ces activités de recherche portent sur la mise en œuvre expérimentale d’une telle méthodologie ainsi que le couplage des méthodes d’holographie développées avec des approches d’intelligence artificielles basées sur la physique.

 

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Dispositif d’holographie acoustique composé de 200 capteurs microphones mems pour la caractérisation d’un cylindre en milieu aérien