Auto-oscillations acoustiques
Cet axe de recherche concerne les systèmes produisant des ondes acoustiques par des mécanismes de dynamique intrinsèquement non linéaire. Les travaux proposés s’articulent entre développement de méthodes d’étude des systèmes dynamiques non linéaires et application sur des systèmes industriels, musicaux ou naturels. En plus des thématiques pour lesquelles l’équipe est reconnue (comme les instruments de musique), le projet explore les interfaces, que ce soit en terme de méthodes (avec la continuation expérimentale) ou de systèmes (usages du conduit vocal chez les chanteurs et les instrumentistes).
Participants permanents : B. Cochelin (PU ECM), T. Colinot (Ingénieur Buffet Crampon), R. Côte (MCF AMU), É. Gourc (Chercheur CDD CNRS), P. O. Mattei (CR CNRS), M. Pachebat (IR CNRS), C. Pinhède (IR CNRS), V. Fréour (Ingénieur Yamaha), P. Sanchez (IR CNRS), F. Silva (CR CNRS), F. Soares (Chercheur CDD Centrale Innovation), C. Vergez (DR CNRS)
Méthodes numériques et expérimentales innovantes pour les systèmes dynamiques non linéaires
Continuation numérique
Le logiciel MANLAB (site web) est un outil de continuation par méthode asymptotique numérique, fruit de la collaboration entre les équipes SONS et M&S du LMA s’enrichissant au gré des travaux de recherche menés en mécanique des structures et en acoustique musicale. De manière plus générale, il est utilisé pour le suivi de branches de solutions (équilibre, périodique, quasi-périodique) des systèmes dynamiques non linéaires, avec analyse de la stabilité de ces solutions et des bifurcations entre branches. Exemple de diagramme de bifurcation obtenu avec MANLAB. Cas d'une poutre soumise à un écoulement (Ref. : Filipe Soares et coll, 22nd Int. Conf. Num. Analysis Appl. Maths. 2024) |
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Cette notion de stabilité locale s’avère néanmoins insuffisante dans de nombreux cas : solution stable mais avec un bassin d’attraction très étroit de sorte qu’une perturbation non infinitésimale fait quitter le régime pourtant stable, solution instable mais avec un temps caractéristique de croissance bien plus long que la durée d’émission, etc. Il est donc pertinent de chercher à la compléter avec un indicateur de degré de stabilité intégrant ces deux dimensions. Une thèse de doctorat est en cours en collaboration avec J.-B. Doc (LMSSC). Portrait de phase d'un système à deux régimes stables [Ref. : Pegeot et coll, Forum Acusticum 2023) |
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D’autre part, dans les simulations temporelles, les paramètres de contrôle sont variés avec une vitesse lente mais non nulle avec un impact sur les caractéristiques des régimes obtenus (fréquence fondamentale, amplitude) et les bifurcations entre régimes (équilibres, cycles limites, quasi-périodiques). La collaboration avec S. Terrien (LAUM) et B. Bergeot (INSA CVL) s’intéresse au concept de bifurcation dynamique pour mieux prendre en compte cette vitesse de variation dans le calcul des solutions d’un système dynamique non linéaire et ainsi permettre une meilleure comparaison entre les diagrammes de bifurcation obtenus par continuation numérique, simulation temporelle et expérience.
Finalement, la continuation numérique peut chercher à intégrer des contraintes additionnelles. On peut ainsi chercher les trajectoires des paramètres de contrôle qui permettent d’avoir des régimes périodiques de fréquence donnée constante. Ces développements sont motivés par les travaux de la chaire industrielle NAMI où il s’agit de comprendre comment un trompettiste doit adapter son masque facial pour jouer de plus en plus fort tout en préservant la justesse de la note produite.
Continuation expérimentale
La comparaison quantitative des diagrammes de bifurcation obtenus par continuation numérique et expérimentalement par variation lente des paramètres de contrôle présente deux difficultés importantes : tout d’abord le phénomène de bifurcation dynamique déjà évoqué (avec une modification des seuils de bifurcation avec la vitesse de variation) et d’autre part le besoin d’une modélisation et de l’identification possiblement imparfaite des paramètres du modèle.
Les premières adaptations de la continuation numérique au domaine expérimental ont vu le jour autour de J. Sieber (Univ. Exeter) et L. Renson (Imperial College London) pour le suivi de branches de solutions périodiques sans modèle mathématique a priori ou autour de O. Thomas (CNAM) pour l’estimation de réponses en fréquence de systèmes non linéaires.
Nous nous appuyons sur les compétences fortes en continuation numérique et sur le savoir-faire expérimental (avec le développement de bouches artificielles depuis 2005) pour attaquer le problème de la continuation expérimentale de systèmes auto-oscillants (avec changements de régimes, possible coexistence de régimes stables, etc). Les enjeux portent tant sur le volet technologique (choix des actionneurs) que scientifique (invasivité du contrôle), avec à terme la possibilité de mettre en évidence les branches de solution y compris dans leur partie instable.
Projet AVATARS (ANR-22-CE48-0014, partenaires : IRCAM, GIPSA-lab, CHU Liège). Collaboration S. Terrien (LAUM).
Formulation Hamiltonienne à Ports
Un autre volet du projet concerne les travaux menés sur le formalisme Hamiltonien à ports en collaboration avec Th. Hélie (IRCAM). Ce formalisme de modélisation généralise des concepts issus de la mécanique variationnelle et de la représentation d’état des systèmes linéaires pour proposer une modélisation de systèmes non linéaires à bilan de puissance garantie. Les enjeux sont doubles.
Tout d’abord, il s’agit de travailler sur la représentation et la discrétisation de systèmes régis par EDP. À la manière des méthodes isogéométriques en temps et espace développées dans l’équipe MATS, on s’intéresse à des méthodes de discrétisation spatio-temporelle préservant le bilan de puissance à temps discret et la régularité en temps et espace des solutions.
Le second enjeu s’intéresse aux possibilités de contrôle offertes par la modélisation Hamiltonienne à ports. En effet, cette représentation met le focus sur l’énergie et offre des facilités de mise en œuvre de stratégies de contrôle, par exemple avec l’approche IDA-PBC où le contrôleur est défini de manière à remodeler les fonctions d’énergie et de dissipation du système à contrôler. Les avancées sur cette voie peuvent s’avérer déterminantes pour la continuation expérimentale.
Résonateurs dynamiques
Un dernier aspect concerne la caractérisation, modélisation et simulation de résonateurs dont les propriétés peuvent changer rapidement. Cela demande de développer des techniques expérimentales rapides (limitées par le temps caractéristique de stationnarité) et de lever les hypothèses de stationnarité souvent faites de manière implicite dans la modélisation ou la simulation temporelle.
Une première thèse a porté sur la mise en œuvre de techniques de caractérisation de guides d’ondes par émission de chirp large bande (100-5000Hz) et court (durée de l’ordre de 1s) et séparation des signaux par transformées en chirplets d’ordres élevés. Une seconde thèse en cours (collaboration avec N. Henrich Bernardoni, GIPSA-lab) s’intéresse à l’optimisation de la méthode pour permettre une actualisation plus rapide de la caractérisation du résonateur.
D’autre part, côté modélisation, on s’appuie sur le formalisme Hamiltonien à ports pour la prise en compte des mouvements de la paroi (grands mouvements dans le cas de l’articulation du conduit vocal) pour traduire les échanges de puissance entre le fluide et la structure. Ces travaux sont poursuivis dans le cadre d’une thèse en collaboration avec Th. Hélie (IRCAM).
Application à l’étude de systèmes auto-oscillants acoustiques
Systèmes industriels
Singing risers : en collaboration avec TOTAL et M. Amielh (IRPHE) il s’agit de mieux comprendre le phénomène d’amplification et de filtrage du pseudo-bruit intense qui, sous certaines conditions de géométrie et d‘écoulement, prend naissance dans les tuyaux corrugués et, dans un second temps, de proposer leur contrôle par des absorbeurs non linéaires. Visualisation des instabilités de l'écoulement dans une corrugation |
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Voix et Instruments de musique
Production de notes pédales et notes fantômes : la thèse en cours de Rémi Mattéoli (coencadrement S. Maugeais, Univ. Le Mans) porte sur la compréhension des mécanismes de production de ces notes très graves pour lesquelles l’impédance d’entrée de l’instrument ne présente pas de résonance supportant directement l’auto-oscillation. Les diagrammes de bifurcation apportent un éclairage nouveau en soutien des observations expérimentales sur musicien.
Couplage conduit vocal/instrument : le conduit vocal peut jouer un rôle dans la dynamique non linéaire du musicien comme du chanteur. D’une part, la thèse de L. Velut (2017) a montré comment le son d’une trompette peut s’enrichir considérablement lorsque le musicien utilise les résonances du conduit vocal voire la vibration glottique. D’autre part, les plis vocaux ne peuvent assurer à eux seuls l’auto-oscillation dans le registre aigu et suraigu de la voix et ce sont alors les résonances du conduit vocal qui soutiennent la production vocale (formant tuning). En collaboration avec B. Amy de la Bretèque (chirurgien spécialiste des troubles ORL des musiciens), nous nous proposons d’inclure la dynamique propre au musicien (aérodynamique et acoustique) dans l’étude du système couplé musicien/instrument. Spectrogrammes des pressions dans la bouche du trompettiste et en sortie du pavillon lors de la production de multiphoniques
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Développement et caractérisation d’avatars numérique et mécatroniques de l’appareil vocal : le projet ANR Avatars (IRCAM/LMA/GIPSA-lab/CHU Liège, 2023-2027) rassemble des compétences en automatique, biomécanique et dynamique non linéaire pour concevoir des modèles (dans le formalisme SHP), des bancs d’essais (larynx excisés ou tissus biomimétiques) et leur contrôle capables de reproduire des productions vocales et d’aider à la compréhension fine des dynamiques en jeu dans les pathologies de la voix. Dans le cadre du projet, il s‘agit de mettre en œuvre les méthodes de dynamique non linéaire pour caractériser les régimes et bifurcations des avatars.
Schéma du banc larynx excisé (gauche) et exemple de bifurcation entre régimes oscillants obtenus avec le banc (droite)